Pour comprendre comment guérir, il faut déjà comprendre ce qu’est l’anorexie, comment elle est vécue.
Vue de l’extérieur, l’anorexie est simplement de la privation de nourriture, la volonté de perdre du poids.
Vue de l’intérieur, c’est plus complexe et envahissant que ça.

L’anorexie est un contrôle total sur le poids certes, mais surtout sur soi. C’est un sentiment de toute puissance, un sentiment qu’on peut TOUT faire, quel que soit notre état. Le corps n’a plus aucune voie au chapitre, le mental a les pleins pouvoirs.
Si le corps est fatigué, aucune importance, tu as la volonté de travailler, de faire du sport, de faire « ce qui compte » pour toi à ce moment-là.
Si le corps est affamé, aucune importance, tu as une volonté inébranlable, tu ne sens même plus vraiment la faim, ou au moins tu ne lui accordes pas voie au chapitre.
L’anorexie n’est donc pas simplement un acte (se restreindre), c’est aussi une sensation jouissive que procure le contrôle de son corps.
L’anorexie est compliquée à soigner, car généralement la personne qui en « souffre » (je mets souffrir entre parenthèses, car la personne n’est pas forcément dans un sentiment de souffrance jusqu’à un certain stade) ne veut pas forcément en sortir.
Et ça se comprend : elle vit un sentiment de toute puissance qui est enivrant. Elle vit un contrôle total sur elle. Contrôle qu’elle n’a pas forcément dans le reste de sa vie.
Tout au long de l’anorexie, il y a bien sûr une véritable obsession de tous les instants pour le poids, pour les repas à venir. Pour les maintenir sous contrôle.
Quand l’anorexie se prolonge, des effets indésirables s’installent : malaises, perte de cheveux, irritabilité (due aux carences mais aussi due aux efforts qu’il faut faire pour repousser les tentatives de l’entourage de nous faire manger). L’obsession pour la balance, l’apparence devient douloureuse, et en même temps l’éventualité de perdre ce contrôle est terrifiante.
Qu’est-ce qui peut pousser une personne à vouloir guérir de l’anorexie ?
- Un poids trop bas qui lui fait friser la mort
- La pression de l’entourage, qui s’inquiète et d’une certaine manière la harcèle pour lui dire de manger et de changer
- La prise de conscience que l’obsession du contrôle est une prison douloureuse

Comment peut se faire l’accompagnement vers la guérison ?
Les symptômes de l’anorexie sont un poids démontrant la sous-nutrition du corps, un comportement hyper restrictif envers la nourriture. Néanmoins, vouloir ne travailler que sur la réalimentation, c’est ne travailler que sur le symptôme et non sur la cause. Ce serait comme soigner un eczéma à coup de crèmes à base de cortisone : ça effacera le symptôme momentanément, mais il reviendra dès que le terrain sera favorable. Il faut aller plus en profondeur, rétablir l’équilibre, soigner la cause.
Comme décrit plus haut, l’anorexie est un contrôle total vis à vis de soi, de son corps. Ce besoin de maîtriser, de contrôler, peut apparaître si la personne a du mal à contrôler le reste de sa vie.
C’est le cas à l’adolescence, où le corps change, où nos interactions changent, nos hormones, nos envies… C’est un moment où la comparaison avec les autres (au niveau apparence, mais aussi au niveau attitude, passions, talents…) devient marquée et peut révéler une forme de vide chez nous.
Vouloir contrôler son corps et son poids peut commencer comme une forme de hobby qui nous donne un intérêt vis à vis des autres, ou comme une forme de défi intérieur pour être à la hauteur des autres, et peut alors dériver en un début pour l’anorexie.
Qu’est-ce que ça nous apprend ?
Accompagner une personne anorexique, c’est avant tout lui faire une place pour l’écouter. La personne peut parler librement de ses craintes alimentaires, de son image corporelle, elle peut révéler ses « secrets » alimentaires sans jamais être jugée. Elle peut se sentir libre de parler des effets de ne pas manger assez, parler également de ce que lui apporte cet état d’anorexie.
On peut ainsi évoquer ce sentiment de toute puissance, ce besoin de contrôle. Ceci permet de réfléchir aux autres aspects de sa vie à développer, qui pourraient lui apporter de l’épanouissement, de la fierté, de la confiance en soi.
L’anorexie sert en effet souvent de méthode de contrôle, d’échappatoire, de distraction pour masquer d’autres problèmes internes. La personne est ici libre de parler de ses désirs profonds, de la vie qu’elle aimerait mener, afin que l’on puisse travailler concrètement sur la manière de rééquilibrer cette vie, sur la relation à soi et aux autres.

La façon de réalimenter la personne se fait en concertation avec elle, afin de ne stresser ni le corps ni le sujet. Des informations théoriques sont données sur la physiologie du corps, sur le mécanisme du métabolisme, les dangers potentiels de la sous-nutrition. Mais la personne est encouragée à se sentir autonome , à donner son avis sur les aliments qu’elle aime ou pas, à planifier les risques alimentaires qu’elle est prête à prendre.
Tout au long du processus, j’encourage à faire confiance à son corps et à ses signaux internes, et ainsi peu à peu à lâcher le besoin de contrôle. La personne peut apprendre à faire confiance à son corps, afin de ne plus avoir peur de manger et de perdre le contrôle.
Bien entendu, si la personnes est suivie à ce sujet par une équipe d’autres thérapeutes, je fais en sorte de synchroniser mon approche sur les démarches déjà entamées.
Ce qui est à retenir si vous souffrez d’anorexie, c’est que vous serez au coeur du processus de guérison : le but est de vous réapprendre à écouter votre corps et de vous redonner confiance en ce corps, de vous permettre de développer d’autres aspects de votre vie afin de ne plus dépendre de l’apparence physique.
Le thérapeute est à l’écoute de vos peurs et vos désirs, et travaille conjointement pour remettre de l’autonomie et de l’épanouissement au coeur de votre vie.